Comment reconstruire notre modèle de Développement: Paradoxes  d’aujourd’hui, modèle alternatif de demain

Professeur Nezha Lahrichi
Comment reconstruire notre modèle de Développement: Paradoxes  d’aujourd’hui, modèle alternatif de demain

Il est admis  que la répartition  équitable des fruits de la croissance est la voie de la réduction des inégalités et  des disparités sociales et spatiales. Sa majesté le Roi ne cesse de le marteler ; si en dix ans la pauvreté absolue a reculé, une analyse approfondie laisse apparaitre une pauvreté relative et le maintien des inégalités particulièrement entre les milieux urbain et rural.

Cet objectif suppose d’abord la réalisation de cette croissance économique pour avoir de quoi redistribuer or elle peine à atteindre le seuil minimal de 6% nécessaire pour générer suffisamment d’emplois et créer des richesses ; et pourtant  l’élément clé de la croissance est là soit un taux d’investissement très élevé de l’ordre de 30% et ce depuis  plusieurs années. L’efficacité des investissements publics est un vaste  sujet ! il est vrai que le secteur du BTP concentre près  de 50% du volume global de l’investissement  et que les grands chantiers nécessitent du temps pour qu’ils produisent leurs effets d’entrainement mais il est aussi vrai que ce paradoxe est révélateur de facteurs de blocage structurels de la croissance connus et reconnus : formation, justice, administration…..

Le second paradoxe concerne le deuxième pilier de la croissance  soit la consommation ; il est admis aussi que le modèle de croissance est tiré par le marché intérieur mais  dans le cadre d’une économie ouverte ; théoriquement c’est un atout qui compense la faible contribution du commerce extérieur à la croissance économique mais dans les faits il est apparu comme un facteur de blocage dans la mesure où la demande intérieure est satisfaite en partie par les importations : la dynamique de la consommation des marocains profite à d’autres pays, les économistes parlent de l’effet d’accélération qui joue à l’extérieur ; la conquête du marché intérieur passe par l’acte de produire dans des conditions de prix et de qualité compétitives ; les calculs relatifs à la forte augmentation des importations ont été faits par le CNCE (1)la moitié des consommations intermédiaires soit les intrants qui permettent de produire sont importés et taxés ce qui met à mal la compétitivité sur le marché  domestique soumis au secteur informel sans taxes ni législation sociale. Dans un monde ouvert, les droits de douanes cessent d’être un instrument pour aider les entreprises locales affectées par la concurrence ; d’où l’explosion des mesures dites non tarifaires , les exemples sont multiples et variés pour illustrer le nouveau visage des guerres commerciales ;pour compléter les contours du modèle actuel, il y a lieu de rappeler que la doctrine sur le taux de change n’est pas dissocié des choix de politique économique : dans un modèle économique où la demande intérieure est le premier moteur de la croissance , la stabilité de la monnaie ou même son appréciation s’impose car en cas de dépréciation les prix à l’importation augmentent ce qui réveille l’inflation moyen indolore de faire baisser les salaires réels,  le pouvoir d’achat et partant les recettes fiscales .

Quels sont les contours d’un modèle de croissance alternatif ?

Rappelons rapidement que le monde vit un contexte inédit où se combinent des mutations profondes dues à la révolution numérique et à la transition énergétique qui ébranlent les sociétés ; au-delà des bouleversements technologiques, ils impliquent une transformation du système économique et sociale avec notamment, l’entrée dans une économie entrepreneuriale qui apporte une réponse au chômage des jeunes diplômés notamment.

Les modèles de croissance de demain sont en train d’éclore. Quel serait le nôtre ?comment l’adapter  à la métamorphose du monde ? Quels sont les secteurs d’avenir ?

Les facteurs de croissance qui s’imposent  aujourd’hui concernent :

1-le rattrapage du niveau de productivité de la main d’œuvre  faible par rapport aux pays de la région qui passe par la formation, la motivation et le civisme,

2- la recherche/développement et l’innovation

3-l’exploitation de l’aubaine démographique.

C’est autour de ces principaux facteurs que peuvent s’articuler 2 grands axes :

-la création d’une base productive avec un secteur industriel articulé aux demandes des autres secteurs en produisant des biens échangeables ; tel est le sens de la mise en cohérence des stratégies sectorielles

-l’émergence de secteurs nouveaux dont le potentiel en faveur de la croissance économique est avéré ; si le Maroc est sur la bonne voie pour l’usage des énergies renouvelables, il est en revanche en retard pour l’économie digitale qui suppose trois conditions :

1-la multiplication des capital-risqueurs et des fonds de développement

2-une éducation/ formation qui s’inscrit dans la société de la connaissance

3-la création de Zones d’innovation dans toutes les régions ; une opportunité historique pour donner à la régionalisation avancée un contenu qui s’inscrit dans les industries/services d’avenir.

A propos du CNCE

 

L’inégalité reflue mais lentement


L’indice de Gini mesure le niveau d’inégalité de la répartition  du revenu dans la population ; il varie de 0 ,soit  une égalité parfaite, à 1 où l’inégalité est totale ; il est généralement multiplié par 100 pour en faciliter la lecture ; selon le HCP  les inégalités sociales mesurées par cet indice sont restées marquées par une rigidité pendant des années , une inflexion à la baisse( 39,5% en 2014 contre 40,6% en 2001 et 40,7% en 2007)  traduit une légère atténuation des inégalités ; celle-ci concerne plus le milieu urbain que rural où l’indice a baissé de 41,1% en 2007 à 38,8% ; le milieu rural est marqué par un indice beaucoup plu faible qu’en milieu urbain : 33% en 2007 et 31,7% en 2014 ; la répartition des revenus , plus égalitaire en milieu rural, est révélatrice de l’égalité devant la pauvreté .


Source : www.leconomiste.com

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