Le Changement Climatique une Opportunité pour Favoriser l’Egalité des Sexes

Professeur Nezha Lahrichi Janvier 2012
Le Changement Climatique  une Opportunité pour Favoriser l’Egalité des Sexes

La rencontre du women’s Tribune s’inscrit dans le cadre de la préparation de la cop 21 qui vise un accord mondial engageant pour la première fois  tous les pays : industrialisés, émergents et en voie de développement  pour une action commune contre le réchauffement climatique ; pour situer les enjeux  femmes et climat  , quels sont ceux du changement climatique d’une façon générale

Deux postulats sont à  rappeler:

  • Depuis la 1ière conférence de Rio en 1992 sur le Changement du climat , la responsabilité que porte le secteur de l’énergie est établie : le consensus scientifique attribue le changement climatique aux émissions de gaz à effet de serre (GES), résultat du mode de production et de consommation basée sur les énergies fossiles et la déforestation ; les conséquences sur l’augmentation des températures globales et le cortège des  catastrophes naturelles qui en résultent constituent des menaces pour la survie des éco systèmes avec des effets plus importants pour les plus démunis dont les femmes constituent la majorité
  • Ce modèle de développement qui a plus bénéficié aux pays industrialisés a impliqué la prise en considération d’un principe directeur, celui de la responsabilité commune mais différenciée et l’engagement des pays développés à financer et à soutenir les politiques de lutte contre le CC ;  certains pays  ont profité pendant que d’autres ont subi

La cop 21 vise un accord mondial sur les réductions d’émissions des GES afin de limiter le réchauffement  de la planète à 2 ° Celsius par rapport à l’ère préindustrielle ; L’accord de Paris vise à engager plus de 190 pays dans la lutte contre le réchauffement climatique à travers 3 axes :

  • un recul progressif des  énergies fossiles et le développement des énergies renouvelables
  • Une accélération des progrès en matière d’efficacité énergétique
  • Une modification de la gestion des terres notamment à travers la reforestation

L’enjeu est  aussi clair que complexe : il s’agit d’assurer la transition vers un développement sans carbone et donc un avenir sûr et durable pour notre planète

Le but est double : atteindre des objectifs nationaux de développement durable compatibles avec l’objectif internationalement convenu et ainsi participer aux efforts mondiaux de lutte contre le changement climatique

C’est pour dire que la conférence de Paris ambitionne d’apporter des réponses à 2 sujets :

1-à court terme,  l’annonce d’actions avant 2020

2-à moyen et long terme,  la définition des trajectoires d’émissions de GES conduisant à un seuil zéro au niveau mondial en 2100 , une façon de planifier l’avenir et de mettre en place le modèle de l’après  énergies fossiles

c’est pourquoi un certain nombre de conditions ont été réunies pour augmenter les chances de succès de cette conférence : au-delà des sessions de négociation et des rencontres informelles , 2 initiatives, expression de 2 volontés ,méritent d’être soulignées : la volonté d’inclure la voix des peuples dans l’accord à travers  l’initiative  d’organiser le 6 juin une consultation  unique de l’avis des citoyens du monde sur les sujets essentiels que les gouvernements vont traiter pour conclure un accord efficace sur le changement climatique : Une consultation publique pour une prise de conscience du public

La seconde volonté vise l’adhésion et la préparation des entreprises à la décarbonisation de l’économie mondiale ; l’initiative concerne le sommet Business climat qui vient d’être organisé au siège de l’UNESCO le 20 et 21 mai ; ce sommet a réuni 2000 décideurs internationaux économiques , politiques et des investisseurs

la bataille des idées est gagnée ;  une prise de conscience de la nécessité d’une croissance décarbonée  qu’il s’agit de stimuler par un prix efficace  du carbone, efficace cad en mesure de réduire les émissions en étant accepté par l’opinion publique ( producteurs,  financiers, consommateurs….), une prise de conscience qu’on est au début des 20 années les plus importantes  pour impulser des changements structurels, 20 ans en matière de développement relève du court terme d’où l’urgence de la question climatique, urgence pour la mobilisation

L’ennemi étant identifié : le carbone et son principal émetteur , une société bas carbone passe inéluctablement par une énergie bas carbone ; la transition écologique est une transition énergétique or le développement suppose une forte augmentation de la consommation  d’énergie qu’il s’agit de produire et de produire proprement ; accès à l’énergie= accès à l’éducation et au développement ,  la bataille de l’action  est à cette condition, une bataille qui associe la société civile, les entreprises , les financiers et les régions , d’où les quatre volets de l’accord comme l’a souligné le président Hollande

  • Un cadre contraignant universel mais différencié
  • La présentation des stratégies nationales de chaque pays
  • La mise en œuvre de financements publics et privés avec des flux nord sud
  • L’agenda des solutions, un agenda des actions qui peuvent être apportées par tous les acteurs

L’enjeu est de taille : il s’agit d’une révolution dans le mode de production,  de consommation,  de transport bref  de notre façon de vivre ; combinée notamment,  à la révolution numérique et  biologique  une autre civilisation est en émergence !

L’enjeu est double pour les économies en voie de développement qui doivent combiner la transition énergétique et économique ; aller directement vers un modèle de développement bas carbone est  une opportunité et non un risque,  cela suppose des soutiens financiers pour en minimiser le coût financier qui maximise les bénéfices écologiques ! Remplacer le charbon des centrales thermiques par du gaz réduit fortement les émissions de CO2 mais avec des investissements plus couteux.

Comment  alors induire le changement de comportement de tous les acteurs ? Quelle est la part du chemin que chacun doit accomplir pour donner le bon signal ?

  • l’Etat doit mettre en place un cadre fixant le prix du carbone ; le marché des matières premières est instable et empêche la mise en œuvre des investissements nécessaires ; le mécanisme de tarification du carbone doit être stable,  prévisible et incitatif ; au lieu d’une taxe, définir un système d’échanges de droits d’émission basé sur le marché , un système qui permet l’acceptation du prix du carbone, l’attrait des capitaux et un retour sur investissement
  • Pour les consommateurs, la stimulation d’un comportement responsable dépend certes d’une politique de sensibilisation et de communication mais elle reste déterminée par la question du coût : une responsabilité trop chère payée  risque d’être contreproductive !
  • Concernant le financement, les fonds publics proviennent des pays développés et sont destinés aux PVD à travers des mécanismes multilatéraux  qui proposent des financements climatiques : fonds vert pour le climat,  fonds pour l’environnement mondial (FEM), mécanisme de développement propre(MDP) de l’ONU, financements des banques de développement  etc

Les fonds privés concernent la promesse faite en 2009 de rassembler 100milliards de $ par an d’ici à 2020 en faveur des PVD qui sont le plus touchés par le réchauffement,  une somme qui n’est toujours pas réunie alors qu’elle est nécessaire pour les actions à court terme

Pour les financiers, au-delà de ces  fonds publics  qui doivent jouer leur effet de levier pour atteindre les importants niveaux de financement nécessaires,  les structures financières actuelles , sont appelées à ne plus financer les projets à haute teneur en CO2 , à développer de nouveaux instruments pour l’investissement à faibles émissions en carbone comme les obligations vertes ou le financement participatif ; un enjeu délicat qui nécessite  des politiques dédiées ; le financement de la transition énergétique constitue un enjeu déterminant pour le succès de l’accord de la COP21

4-s Les entreprises sont appelée à s’inscrire dans le lancement du  processus de production faible en carbone ;  ce processus suppose un changement des règles du jeu : les entreprises doivent accepter des investissements à long terme, se réinventer par le biais des technologies ,  intégrer le reflexe climatique, mais en même temps des changements  doivent s’opérer dans  les calculs, les horizons de rendement,  l’approche du risque, son évaluation , la fiscalité, les mesures incitatives,  la réglementation financière, la méthode d’affectation des ressources  bref  tout changer pour que rien ne change :  maintenir la rentabilité des entreprises, préserver leur compétitivité : une entreprise dans le rouge financier ne peut pas être dans le vert de la croissance et de l’investissement

Le préalable est donc de  redéfinir la prospérité  et d’admettre qu’  économie rime avec écologie,  décarboner et créer de la croissance génératrice d’emplois, d’innovation et de richesses  sont deux objectifs compatibles ; l’optimum économique est à redéfinir à travers la mise en œuvre de nouveaux outils de mesure qui peuvent améliorer la prise de décision économique et conduire de meilleurs choix politiques

Tout cela suppose de convaincre les actionnaires : d’où l’impératif d’augmenter le nombre de femmes dans les CA  car elles sont plus sensibles aux questions urgentes posées par le dérèglement climatique : éducation et avenir des enfants , meilleure santé, accès à l’eau, alimentation , bien être des vulnérables etc ; le défi est donc  de trouver la voie pour atteindre l’égalité de genre dans les solutions de financement sachant que les divers mécanismes existants n’intègrent pas la dimension de genre pour que le financement soit équitable , cela commence

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