Nouveau modèle de développement: Les regards croisés
Les fondements du modèle de développement marocain sont énoncés dans la Constitution: Etat de droit, démocratie, pluralisme, bonne gouvernance, société solidaire articulée autour de la sécurité, la liberté, l’égalité des chances, la dignité et la justice sociale (Préambule). En outre l’Etat garantit la liberté d’entreprendre et la libre concurrence (Art 35).
L’ambition du modèle marocain est donc celui d’une économie de marché, bénéficiant de la stabilité des règles de droit. Il consulte et implique l’ensemble des parties prenantes et dont les conséquences injustes sont corrigées par la promotion d’une société solidaire. Celle-ci implique un système de redistribution efficace, l’efficacité se mesurant à l’aune de l’équilibre entre justice sociale et non étouffement de l’économie par la fiscalité et le déficit public.
Approche pluridisciplinaire
L’économie ne peut pas être seule à la recherche du développement qui désigne l’amélioration de la qualité de vie des citoyens, bien-être matériel et valeurs qui structurent les liens sociaux. La définition d’un nouveau modèle de développement est un bon laboratoire pour corriger les impensés de l’économie. Il s’agit d’une question globale et complexe qui suppose un échange de connaissances et de méthodes.
Elle implique de faire interagir, l’économie, la politique, la sociologie, la psychologie et bien d’autres disciplines des sciences sociales pour comprendre le comportement humain conditionné par les intentions des acteurs; il faut comprendre les sources des décisions et analyser les comportements individuels sans oublier que les agents sont aussi des êtres sociaux qui fonctionnent par comparaison avec autrui: ce qui compte c’est de gagner plus que son voisin! La pauvreté absolue diminue certes mais ce qui pose problème c’est la pauvreté relative et les écarts grandissants entre différentes catégories de la population.
Les regards croisés consistent à tisser les concepts mais surtout à emprunter les outils d’analyses. Le but est la résolution des problèmes: résoudre et persuader aussi! Il en résulte trois niveaux d’analyse à savoir celui de la production des solutions, de leur réception et de leur réalisation.
Les regards croisés consistent à tisser les concepts mais surtout à emprunter les outils d’analyses. Le but est la résolution des problèmes: résoudre et persuader aussi! Il en résulte trois niveaux d’analyse à savoir celui de la production des solutions, de leur réception et de leur réalisation.
Il faut répondre à des questionnements partagés par différentes disciplines comme la réalité socio-culturelle du Maroc, le rôle des solidarités familiales, les institutions informelles réfractaires au changement (normes, croyances, règles du jeu traditionnelles) les catégories de la classe moyenne, le capitalisme familial et la sociologie des dirigeants, la nouvelle génération d’entrepreneurs…
Il est stratégique de marier les disciplines pour reconstruire une société de confiance et de penser en priorité aux jeunes enfants: ici une classe rurale, qui n’est nullement surchargée, mais dont personne, pas même les papas des écoliers, n’a pensé à refaire un glacis propre: quel message les adultes envoient-ils à leurs petits? La construction du respect de soi et des autres est pourtant la première pierre de la société de confiance (Ph. L’Economiste)
La lancinante question du chômage des jeunes diplômés, à titre d’exemple, cristallise la diversité des mécanismes. Elle ne peut être ramenée à l’inadéquation formation-emploi.
Les visages du chômage
L’explication est plus complexe:
– lente transformation structurelle de l’économie,
– gouvernance inadaptée;
– manque d’enquêtes sur le terrain pour identifier les perceptions des populations concernées, autant d’éléments en mesure d’expliquer les différences entre résultats attendus et résultats observés et poser la question de l’acceptabilité des propositions, etc.
Les politiques éducatives sont indéniablement un élément de réponse; l’influence des méthodes d’enseignement sur le développement des comportements sociaux et la façon dont les élèves voient la société dans laquelle ils vivent sont illustrées par de nombreuses expériences, les pays nordiques en l’occurrence. L’intérêt porté aux politiques de la petite enfance est une bonne nouvelle mais leurs résultats s’inscrivent dans le long terme.
Tous les pays, y compris ceux qui ont été en guerre entre 1995 et 2014 ont fortement augmenté leur PIB par habitant, mais entre 1995 et 2015 ils ont dépassé le Maroc.
Quel est le raccourci pour une société de confiance? Une action publique modernisée et efficace, une administration de services au citoyen, des règles du jeu transparentes et assumées, une organisation des territoires avec une répartition des pouvoirs décisionnels afin que chaque citoyen ressente la place qui lui est dévolue. Bref, un Etat au service d’une société de confiance (NDLR: voir aussi «Le nouvel Etat», Nezha Lahrichi, L’Economiste du 27 novembre 2017)
Si la sociologie se trouve coupée de l’économie, du droit et même des sciences politiques au sein des institutions universitaires. Il est souhaitable que l’élaboration d’un nouveau modèle de développement transgresse les frontières qui empêchent de penser la complexité et de relier au lieu de segmenter dans un monde en pleine métamorphose.
Il faut dire que l’économie a beaucoup changé et a tendance à s’inspirer des autres sciences sociales: sociologie, psychologie, histoire…. Rappelons aussi que les économistes disposent de méthodes non seulement pour comprendre le monde mais pour le changer: aider au développement, stimuler la croissance, réduire les inégalités; d’où les sollicitations de leur expertise.
Pour conclure, le succès d’un nouveau modèle de développement est conditionné par le croisement de multiples compétences autour d’un prérequis, celui du renforcement de la cohésion sociale qui rend acceptables et profitables les arbitrages et compromis aptes à résoudre les questions inhérentes à l’incontournable entreprise de changement.
Apprendre à nous faire confiance
«Apprendre à nous faire confiance», pour reprendre le mot de notre Souverain, est un bon exemple illustrant la nécessité d’une association des compétences pour favoriser l’interaction des savoirs et de leur complémentarité.
Comment considérer les intentions des citoyens, saisir leur conception du civisme et comprendre la façon dont il est possible d’améliorer le sentiment de confiance? On retrouve à ce niveau le chapitre de la révolution des émotions pour une meilleure compréhension du mode de fonctionnement des agents économiques et de la société dans laquelle ils vivent. Le but est d’identifier comment les politiques publiques peuvent modifier le niveau de confiance mutuelle et de voir aussi comment les institutions influencent les valeurs de coopération.
Le capital social n’est pas une donnée culturelle intangible. Il est possible de le modifier par l’intervention publique notamment.