Régulation, harmonisation… le nouvel Etat
L’éclosion d’un nouveau modèle de développement passe par la définition du rôle des acteurs: patronat, syndicats, banques, partis politiques, société civile et médias. A leur tête l’Etat.
Une économie libérale et le marché n’entraînent pas l’abdication de l’action publique, bien au contraire. La centralité de l’action gouvernementale est partout. La vie politique est d’abord le rapport des gouvernants aux gouvernés et c’est au pouvoir exécutif que le citoyen a quotidiennement à faire.
Régulation, la fonction essentielle
La libéralisation économique a son corollaire: la régulation, car les crises montrent bien que l’économie de marché ne peut pas s’autoréguler. La régulation est donc la fonction essentielle de l’Etat, une fonction qui est loin d’être invariable. Le mode de régulation américain n’est pas le chinois, ni le français ou l’allemand. Il s’agit d’une configuration institutionnelle donnée qui résulte de l’interaction entre la sphère économique et la sphère politique/juridique avec des institutions aussi diverses que complexes.
La mission contemporaine concerne l’organisation des conditions de la compétitivité de l’économie exploitant ses avantages comparatifs et sa position géo-stratégique.
Il faut souligner avec force l’avantage comparatif absolu que représente la monarchie, qui offre une vision de long terme et des choix fondamentaux.
Ce qui manque c’est une stratégie à moyen terme pour harmoniser les différentes stratégies sectorielles: l’opérationnel qui doit tenir compte des contraintes qui pèsent sur toutes les ressources naturelles, financières et humaines.
La réalisation des grands équilibres macro-économiques, en particulier la maîtrise du déficit budgétaire (pour éviter l’endettement public et l’effet d’éviction sur le secteur privé) est certes nécessaire mais pas suffisante.
Le terrain de l’efficience
L’économie libérale n’est pas capable de se réguler toute seule: ici la dégradation du service sur le marché Sidi Othmane à Casablanca en juin 2017. De la plus petite des actions à la plus grande, normes, valeurs, règles de droit, conventions, organisations, réseaux, régime monétaire, politique de la concurrence, politique tout court… autant d’armes pour corriger les effets négatifs de l’économie de marché (Ph. L’Economiste)
Le développement des infrastructures et l’action sur les coûts de production, énergie, transport, télécommunications… sont des acquis à partir desquels on entraîne toute l’économie, sur l’ensemble du territoire.
L’efficience du mode de régulation de notre économie reste à optimiser, en particulier l’Etat doit être le terrain d’affirmation de la bonne gouvernance.
En définitive, le réengagement de l’Etat sur des bases nouvelles s’articule autour d’une trilogie: régulateur, harmonisateur et créateur des conditions favorables à l’entreprise et à l’investissement. En un mot, il s’agit de confiance, laquelle est «une institution invisible qui régit le développement économique» (Kenneth Arrow).
Corruption: Lutte majeure
La corruption augmente le coût de l’investissement et nécessite donc des mesures énergiques et novatrices de lutte.
Une volonté affichée ne suffit pas. L’enseignement le plus significatif vient de Hong Kong qui a joué un rôle précurseur pour extirper ce fléau:
1- La connivence entre sphère politique et économique à travers l’implication dès le départ des milieux d’affaires concernés.
2- La sensibilisation de la population jusqu’à l’obtention de son soutien et de sa participation active: surveillance, dénonciations…
3- Un cadre légal avec une définition claire et simple des délits qui concernent les secteurs public et privé.
4- Des mécanismes de mise en œuvre précis (enquêtes sur les accusations de corruptions, engagements de poursuites…) avec la mobilisation de ressources financières conséquentes.
Le succès de Hong Kong a pris de longues années pour que la population change de culture et ne tolère plus la corruption. Cependant cette construction doit s’appuyer sur l’augmentation des revenus, une plus grande justice fiscale, un bien-être et une confiance dans l’avenir. Parmi les pays qui se sont inspirés de Hong Kong, citons la Malaisie, Singapour, Sri Lanka.
Concurrence ruineuse, concurrence vertueuse
SI la concurrence est un facteur essentiel d’efficacité économique, elle a fait débat depuis la Révolution industrielle, avec un mouvement de balancier entre un certain nombre d’idées qui se croisent selon les pays, l’idéologie politique et les époques:
1- La concurrence est soit vertueuse, soit ruineuse. Dans le premier cas, la menace pousse à l’innovation et les entreprises inefficaces sont évincées. Dans le second cas, la disparition d’entreprises aboutit au monopole dont les prix élevés attireront de nouveaux entrants; le cycle recommence: la concurrence tue la concurrence!
2- La concurrence épuise ses effets bénéfiques lorsque les concentrations produisent des gains d’efficacité. Cette perception est dominante aujourd’hui avec des spécificités pour chaque pays. Aux Etats-Unis par exemple, un degré élevé de concentration n’est pas assimilé à un manque de concurrence, les clauses d’exclusivité sont parfois nécessaires pour inciter les entreprises à investir.
3- La concurrence influe sur les inégalités. Il est difficile de mesurer l’impact de la concurrence sur les salaires compte tenu de son caractère diffus. Mais on peut réduire les inégalités sans gêner le jeu des marchés avec notamment une fiscalité plus progressive…
Quoi qu’il en soit, la protection de la concurrence ne résulte pas de l’application d’une doctrine ou d’un dogme économique. Elle naît de préoccupations qui découlent du stade de développement du pays et de la culture de la concurrence.